Les deux groupes français se seraient entendus, selon Mediapart, pour gonfler les prix de pièces détachées, jusqu’à plus de cinq fois leur prix d’achat.
Petits arrangements entre amis ou réelle volonté de dégager de gros bénéfices sur le commerce de la pièce détachée ? Sans commune mesure avec un scandale du type du logiciel truqueur sur le diesel, cette affaire risque de ne pas arranger l’image des constructeurs automobiles. Français, en l’occurrence.
PSA et Renault auraient secrètement et artificiellement gonflé les prix de certaines pièces détachées grâce à l’utilisation d’un logiciel spécifique. C’est ce qu’affirment Mediapart et le réseau de médias European Investigative Collaborations (EIC) dans une enquête publiée jeudi et qui pointe un profit indu, estimé à 1,5 milliard d’euros en dix ans pour les deux constructeurs automobiles.
Selon des documents obtenus par le réseau de médias EIC et Mediapart, Renault et PSA ont utilisé le même logiciel, Partneo, permettant d’augmenter discrètement le prix de pièces détachées dites « captives » de 15 % en moyenne. Les constructeurs bénéficient en France d’un monopole pour ces pièces captives, essentiellement des éléments de carrosserie.
Renault et PSA auraient ainsi généré 100 millions d’euros de profits supplémentaires par an au niveau mondial, soit un total de 1,5 milliard d’euros, assure Mediapart. Grâce aux complexes algorithmes et à la large base de données créée par Partneo, les prix de certaines pièces ont ainsi bondi : + 264 % pour une protection de roue de Dacia Sandero, + 100 % pour un rétroviseur de Clio III…
Alerte à la concurrence
Alertée en 2017 sur des soupçons de pratique concertée anticoncurrentielle, l’Autorité de la concurrence n’a pas donné suite à la procédure, estimant à l’époque ne pas avoir assez d’éléments à sa disposition, indique le site. L’Autorité recommande néanmoins depuis 2012 la fin du monopole des constructeurs sur les pièces visibles de carrosserie.
Contactés par l’AFP, ni Renault ni PSA n’ont voulu réagir. Sollicité par Mediapart, Renault a démenti tout échange d’informations avec son concurrent et a assuré que les chiffres avancés par le site « ne correspondent pas » à leurs données. PSA, de son côté, « conteste totalement » des accusations qu’il juge « infondées », écrit le site d’information.
Néanmoins, le document très détaillé publié par Mediapart sur dix pages jette le trouble. Comme souvent dans une telle affaire, c’est un partenaire lésé qui aurait révélé cette pratique pour le moins indélicate si elle devait se vérifier.
« Nos documents, écrit Mediapart, sont issus d’une procédure judiciaire intentée au civil devant le tribunal de commerce de Paris par l’inventeur du logiciel, Laurent Boutboul. S’estimant lésé par Accenture lors du rachat de sa société en 2010, il accuse aujourd’hui le géant du conseil, Renault et PSA d’avoir utilisé son système pour coordonner les hausses de tarifs, en violation des règles de la concurrence. »
Cet inventeur, contacté par Mediapart, refuse de « commenter des informations confidentielles débattues dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours ». Par le truchement de son avocat, Frank Normandin, Laurent Boutboul précise seulement que « ce litige concerne les engagements du groupe américain Accenture et de sa filiale française à respecter les règles d’un protocole antitrust [les règles internes en matière de droit de la concurrence, NDLR], défini avant l’acquisition de [s]a société Acceria pour maintenir l’usage licite du procédé qu[ » il] a conçu. »
Sans doute, mais l’effet produit est celui d’un chien dans un jeu de quilles, même s’il est de notoriété publique que, dans l’industrie, le prix des pièces détachées est infiniment plus élevé que celui de la même pièce montée en usine sur une machine à laver, un robot ménager ou une automobile. Dans ce dernier domaine, pourtant, il est des règles de sécurité très strictes à respecter, notamment pour les pièces incriminées qui sont essentiellement des éléments de carrosserie.
En effet, un modèle de voiture est soumis à une homologation très pointilleuse et le chapitre portant sur la sécurité ne supporte pas d’approximation. Or une pièce de carrosserie – aile, porte, parechoc, etc. – doit participer lors d’un choc aux déformations programmées par le constructeur, celles qui précisément absorbent et dissipent l’énergie d’un choc et protègent les passagers.
Cinq fois le prix d’achat
Il va de soi que les copies turques ou chinoises de ces pièces d’apparence identique, indécelables au contrôle technique, ne recèlent pas les mêmes qualités. Ce n’est pas le cas, en revanche, des pièces de réemploi, celles prélevées, par exemple, dans les casses auto sur les véhicules accidentés. Les parties intactes sont soigneusement démontées, contrôlées, classées et servent à moindre coût à une réparation de qualité sans altérer les qualités initiales du véhicule. Parfaitement légal et contrôlé, ce marché est accessible au client (via les plateformes internet, par exemple), y compris en concession où il peut exiger l’utilisation de ces pièces de réemploi pour minorer le coût d’une réparation.
« Les pratiques de Renault et PSA, commente Mediapart, sont d’autant plus choquantes qu’avant la mise en place du logiciel d’Accenture ils vendaient déjà leurs pièces de rechange à des tarifs exorbitants : jusqu’à cinq fois leur prix d’achat en moyenne, selon nos documents confidentiels, soit 80 % de marge ! Selon Accenture, les pièces de rechange pèsent « 9 à 13 % du chiffre d’affaires » des constructeurs, mais « jusqu’à 50 % de leurs revenus nets ».
Interrogées, les trois sociétés incriminées ont naturellement botté en touche, voire démenti avec vigueur. Accenture estime ainsi que les informations « comportent de nombreuses inexactitudes et erreurs d’interprétation », que la procédure intentée par l’inventeur du logiciel est « sans fondement » et que le cabinet respecte ses « obligations légales et contractuelles ».
PSA « conteste totalement » ces « accusations […] infondées », sans plus de détails, tandis que Renault, qui a répondu par écrit aux questions de Mediapart, indique ne s’être « engagé dans aucune coordination, de quelque forme que ce soit, avec PSA » et n’avoir jamais « emprunté une démarche qui puisse relever, de près ou de loin, d’une violation des règles de concurrence ».
Source : http://www.lepoint.fr/
Après le DieselGate, encore un scandale qui touche des constructeurs de l’Hexagone. et on se rend compte que le marché des pièces détachées attirent les gros de l’industrie automobile qui raflent au passage la mise !
La Marque au Losange Renault et celle au Lion Peugeot ne se gênent pas dans cette affaire pour engendrer des bénéfices via des techniques douteuses et surtout plumer le consommateur par exemple :les prix de certaines pièces se seraient même carrément envolés : +264% pour une protection de roue de Dacia Sandero, +100% pour un rétroviseur de Clio III…
Le capteur d’enfoncement de pédale d’accélérateur du Renault Espace IV coûterait 12,60 euros mais serait revendu 109 euros, soit près de neuf fois plus cher. Tandis que celui de la Renault Mégane, d’un prix de revient similaire, serait vendu « seulement » 51 euros. « Grâce au logiciel Partneo mis au point par Accenture, le prix du capteur de la Mégane a plus que doublé en quelques années, pour passer à 110 euros, tandis que celui de l’Espace IV n’a augmenté que de 2 % à 112 euros« .
Où va t-on?
Des pièces moins chères chez nos voisins
La Baromètre de l’association SRA (Sécurité et Réparation Automobile) à laquelle adhèrent tous les assureurs soulignait en 2017 la très grande différence de prix (jusqu’à 50 %) entre les prix pratiqués par les constructeurs français sur leur marché national, où ils sont en position de force, et chez nos voisins européens. Les analystes du SRA soulignent que ces écarts de prix ne peuvent être justifiés par des contraintes industrielles (matières premières ou main d’œuvre) ou de distribution.
Avec cette affaire Renault et Peugeot risquent de perdre gros en terme d’image… Affaire à suivre !
La Redaction Delivauto